Saint Martin est certainement le saint le plus populaire du territoire français. Toponymes, patronymes et prénoms en témoignent. Personnage parfaitement historique ayant profondément marqué son temps, il n'a pu s'empêcher de marquer l'imagination populaire et d'irriguer le patrimoine légendaire : à part le fait d'être à l'origine de la vigne et du vin, il a volontiers pris la place de Gargantua dans des compétitions de lancer de mégalithes, il a, lui ou son inséparable âne, fait jaillir bien des sources, et c'est grâce à lui que l'été peut revenir en plein novembre ...
La charité Saint Martin au fronton de l'église de Luché (72)
La première vie de saint Martin, la Vita Martini est de première main, puisqu'elle est due à son ami Sulpice Sévère. Elle a été suivie de nombreuses autres que l'on doit notamment à saint Ambroise et à Paulin de Périgueux (fin du IVème siècle), à saint Perpet (son troisième successeur à l'évêché de Tours), à Venance Fortunat (IVème siècle), à Grégoire de Tours (VIème siècle) ou à Jacques de Voragine dans sa Légende dorée (vers 1260).
- Régine PERNOUD, Martin de Tours, Bayard Editions, 1996.
- Ivan GOBRY, Perrin, 1996.
- Claude GAIGNEBET, Jean Dominique LAJOUX, Religion populaire et art profane au Moyen Age, Paris, PUF, 1985, p.110 à 112.
Voir aussi les pages que le site Internet de la mairie de Ligugé lui consacre : http://www.liguge.com/martin.html.
Personnage historique, premier grand évangélisateur des Gaules, qui a eu de nombreux disciples et rapidement acquis une grande popularité.
Evangélisateur des campagnes gauloises.
Saint Martin, évêque, église de Soulaire (49)
« L'apôtre des Gaules », « le treizième apôtre », « le nouveau Pierre et le nouveau Paul ».
- De par son nom et sa fonction, Martin peut être rapproché de l'évangélisateur du Limousin, saint Martial.
- Saint Martin de Vertou qui, dans la région nantaise, joua un rôle équivalent et qui fut souvent confondu avec lui.
- Le dieu Mars dont, selon entre autres Raymond Delavigne, il serait une christianisation.
- Selon Claude Gaignebet, saint Sylvain et le dieu gallo-romain Sylvain.
Saint Martin parcourt les rues de Dunkerque le soir de sa fête
- Le 11 novembre, le jour de ses funérailles.
- En juillet, le jour de son ordination en tant qu'évêque.
Appartenant à une famille de militaires romains, Martin a hérité du nom du dieu de la guerre, Mars.
La Charité saint Martin, église de Vendôme
315 ou 316 à Sabaria, en Panonnie (Hongrie).
Le 8 novembre 397, à Candes-Saint-Martin. Enterré à Tours le 11 novembre.
La charité Saint Martin dans l'église de Parcé (72)
- Fils d'un officier païen de l’armée romaine.
- Disciple de saint Hilaire.
- Maître et ami de saint Brice, un clerc indiscipliné et irascible, qui fait passer la réussite matérielle avant l'esprit de contemplation.
- Protecteur du peuple franc et des rois mérovingiens, saint Martin a des fonctions polyvalentes et est invoqué par bien des corporations : les viticulteurs, les cabaretiers (et les alcooliques), les policiers et les militaires, les voyageurs à cheval, les meuniers, les fourreurs et les pelletiers, les mendiants, les assistants sociaux
… Il protège également les chevaux et les oies (lesquels déjà étaient consacrés au dieu Mars).
Le combat contre les anciens cultes et la messe de saint Martin, dans l'église du Pas (53)
- En soldat romain, à cheval, partageant son manteau (en fait une cape) avec son épée pour en donner la moitié à un pauvre : scène désignée sous le nom de « Charité Saint Martin ».
- En évêque, avec mitre et crosse.
- Accompagné de l'âne et de l'oie, correspondant au cheval et à l'oie du dieu Mars.
Ecrite par un témoin direct, la vie de saint Martin est bien connue. Il n'en demeure pas moins des incertitudes sur les dates et les faits, et une inévitable incursion du légendaire s'y mêle à la réalité.
Destiné à la vie militaire, il se convertit dès 12 ans, se fait baptiser à 18, puis renonce à se battre pour Rome. Il rejoint saint Hilaire à Poitiers, qui le charge des exorcismes et doit avec lui partir en exil en raison de leur combat contre l'arianisme. De retour en Gaule, il est nommé, malgré sa réticence, évêque de Tours en 371 et fonde le monastère de Marmoutier.
Son action est notoire dans les campagnes qui alors sont restées très imprégnées de paganisme, et on le voit un peu partout briser les idoles, détruire les temples et abattre les arbres sacrés.
Une église Saint-Martin, parmi tant d'autres, à Mayé (79)
Saint Martin détruit les temples païens, église de Luché (72)
La charité Saint-Martin transférée sur les bords de Loire, dans l'église de St-Martin-de-la-Place (49)
Né sous le signe de Mars, saint Martin garde toute sa vie une fonction guerrière : en tant que militaire dans la première partie de sa vie, en tant que soldat du Christ par la suite. Notamment contre l'arianisme dont la doctrine menace l'orthodoxie chrétienne. Ce furent là, selon les termes de Fortunat, de « nouvelles luttes où ce guerrier pût retremper ses armes, fortifier son coeur et accroître sa vigueur pour mener, au sein de multiples dangers, le combat de la foi ».
A travers l'épisode du partage du manteau, il est connu pour son attention aux pauvres. C'est ce qu'on appelle couramment « la charité saint Martin ». Un autre geste illustre ce trait de caractère : Un jour de fête, allant célébrer l'office, il voit un pauvre nu et lui donne sa propre tunique. Nu à son tour, il force son archidiacre à lui apporter un autre habit. Mais ce dernier en colère ne lui apporte qu'une guenille avec laquelle Martin célèbre la messe. Mais un globe de feu apparaît sur sa tête, et ses bras se retrouvent soudain couverts de bracelets d'or et de pierreries apportés par des anges.
Au cheval du saint cavalier, la tradition populaire a substitué l'âne « Martin », le compagnon du saint qui lui enseigna par l'exemple la taille de la vigne, ou encore une mule. Mais avec ce quadrupède, il est toujours judicieux, avec Henri Fromage, de se demander s'il n'y a pas confusion avec « ane », l'ancien nom de la cane, d'autant plus que l'oie reste un attribut de ce saint.
Enfin, il faut considérer la Saint-Martin dans son contexte calendaire. Elle intervient 40 jours avant Noël, et c'était autrefois l'occasion de rites carnavalesques, avec la consommation de l'oie grasse et du vin nouveau, avant l'ouverture du carême préparant à cette fête. Mais c'était aussi 40 jours avant le solstice d'hiver, en un moment important de l'année. Ce qui fait dire à Claude Gaignebet que cela a peut-être été plus déterminant dans la mythologie du personnage que la figure historique du saint. Cette position lui aurait ainsi permis d'hériter de certains cultes pré-chrétiens.
Cette fête en effet peut être rapprochée du Samain celtique qui ouvre la saison hivernale. Elle s'inscrit en tout cas indéniablement dans le calendrier météorologique, avec l'été de la Saint-Martin dont l'origine serait liée aux funérailles du saint : alors que son corps remonte la Loire jusqu'à Tours, la végétation reprend soudain vie sur les rives du fleuve, et les fleurs s'épanouissent hors saison. A l'opposé des Saintes Glaces, il s'agit, comme le souligne Claude Gaignebet, d'un « temps à l'envers qui ouvre le renversement des saisons », « où la période qui se termine pénètre dans celle qui commence » : « son magistral coup d'épée partage l'année. » C'est le signal du début des veillées hivernales. Et c'est bien cette date qui, dans la tradition française, marque l'entrée en hiver, le moment que choisit l'ours pour aller hiberner.
Mais déjà à Rome, c'était là que débutait l'hiver, si l'on en croit Pline qui rapporte qu'il ne fallait « pas semer avant la chute des feuilles. Certains pensent qu'elle a lieu précisément au coucher des Pléïades, le 3 avant les ides de Mars {c'est-à-dire le 11 novembre} ... et les marchands d'habits eux-mêmes ont l'œil sur cette constellation ... Par son coucher, ils augurent de l'hiver, eux que met à l'affût l'avidité naturelle aux commerçants. Le coucher nuageux des Pléïades annonce-t-il un hiver pluvieux ? aussitôt, hausse sur le prix des manteaux ; leur coucher serein annonce-t-il un hiver rigoureux ? les autres vêtements augmentent aussi ... » (Histoire naturelle XVIII, 225, trad. Henri Le Bonniec)
Vie de saint Martin, d'après une tapisserie (XIIIème siècle) du musée du Louvre
La charité Saint-Martin, dans l'église de Luché (72)
La charité Saint-Martin, dans l'église de Luché (72)