Les premières traditions de Nantes se rattachent à la forge et au travail des métaux, tout autant qu'au commerce : un grand nombre d'épées préhistoriques draguées dans la Loire semblent indiquer des cultes liés à quelque dieu du fleuve. Et Rome semble avoir consacré la ville à Vulcain, en lui confiant le patronage des forgerons et de la batellerie, avant que le christianisme naissant la mette sous la protection des saints Donatien et Rogatien, les "Enfants Nantais".
Les bords de la Loire à Nantes
- Yves DURAND, Le Diocèse de Nantes, Paris, Beauchesne, 1985.
- Jean-Anne CHALET, Les belles Heures du Comté nantais, Paris, Editions Serge Godin, 1980.
- Gwenc'hlan LE SCOUEZEC, Guide de la Bretagne mystérieuse, Paris, Tchou, 1966.
- Jean Paul LELU, "La Géographie sacrée de Nantes au Moyen Age et les mythes du forgeron et des jumeaux", Mélanges de mythologie française, Paris, Maisonneuve et Larose, 1980.
- Jean Paul LELU, "Un mont "Gargarius" à Nantes", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 92.
- Jean Paul LELU, "Le dragon et les trois chevaliers nantais", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 100.
- Jean Paul LELU, "A Nantes, autour de Gilles de Rais", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 107.
- Jean Paul LELU, "Les Jumeaux dans la mythologie nantaise", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 114.
- Jean Paul LELU, "Quelques traces d'une organisation de l'espace autour de la ville de Nantes", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 132.
- Jean Paul LELU, "Deux navigateurs celtiques trop peu connus : Saint Mathurin de Larchant et le Roi Baco de Nantes", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 173.
A signaler également, au plan littéraire :
- Julien GRACQ, La Forme d'une ville.
Le site de Nantes était occupé dès la préhistoire.
La première mention historique pourrait être celle du voyageur grec Pythéas, au IIIème siècle av. J.-C. : le Corbilo qu'il évoque pourrait, entre bien d'autres, correspondre à la situation de Nantes.
La tribu gauloise des Namnètes, installés entre Loire et Vilaine, choisit ce site pour en faire la capitale de leur cité.
La légende évoque de son côté un certain Namnès, qui aurait fondé Nantes vers 1200 av. J.-C..
- Sur la cours inférieur de la Loire, en un point où les marées se font nettement sentir, ce qui de tout temps en a fait un port important, ouvert sur le monde.
- Au confluent de l'Erdre et de la Loire, initalement de l'Erdre et de la Seil.
- A la jonction de la Bretagne et de la France, ce qui explique sa double appartenance historique : bretonne de tempérament, et ouverte sur l'axe ligérien.
Tympans de la basilique Saint-Donatien-Saint-Rogatien : les Enfants Nantais, et le bateau symbolisant la ville de Nantes
- La cathédrale Saint-Pierre-et-Saint-Paul fut fondée en 560 par saint Félix sur un monument gallo-romain (apparemment un temple dédié à Mars Mullo et à Vulcain) du IIème siècle. Elle abrite ou abritait des autels dédiés à saint Clair, saint Hilaire, saint Ferréol. Et la statue de Notre-Dame-de-Délivrance qu'on peut y voir provient de l'ancienne église des Carmes.
- L'église Sainte-Croix, près de la place du Change, date du XIIème siècle et a été bâtie sur les fondations d'un édifice romain. Elle est aujourd'hui surmontée de l'ancien beffroi du château du Bouffay, avec la cloche qui en provient.
- L'église Saint-Saturnin, fondée vers 500, se situait sur la place du Change.
- L'église Saint-Aubin-Saint-Vincent, près de la place Dumoustier, se dressait autrefois au croisement du cardo et du decumanus, les deux axes de la cité romaine. Fondée en 434, elle devint collégiale Notre-Dame en 1320.
- L'ancien château du Bouffay, construit au Xème siècle sur les fortifications romaines, fut, à partir du XIIIème siècle, la demeure des comtes de Nantes.
- La basilique Saint-Nicolas a été fondée au XVème siècle et était différemment orientée par rapport à l'église actuelle ..
- Une chapelle Sainte-Catherine existait à l'emplacement de la rue du Bois-Tortu.
- Une chapelle Notre-Dame-de-Toute-Joie se trouvait rue Thiers, en face de l'actuel portail de l'Hôtel-de-Ville.
- Une église Saint-Jean-Baptiste se tenait près de la cathédrale.
- La porte Saint-Pierre, près de la cathédrale, faisait partie des fortifications, à l'emplacement même des murs romains. Un édifice civil gallo-romain, près de là, était dédié à Janus.
- Le premier château fut greffé, en 930, sur les anciennes fortifications gallo-romaines. Il fut d'abord connu sous le nom de "Château de Sainte-Hermine", puis, en 1050, de la "Tour Neuve".
- Une église Sainte-Radegonde se situait près du château, à l'entrée de la rue Mathurin-Rodier.
- Une église Saint-Laurent se situait dans l'impasse Saint-Laurent, près d'une porte ménagée dans les fortifications.
- L'ancienne église Saint-Cyr-Sainte-Julite, du Vème siècle, s'élevait près de la rue d'Argentré, sur la motte Saint-André, à la place de l'actuel mail où, aux XIV et XVèmes siècles, un pèlerinage annuel était l'occasion de foires. Elle fut remplacée en 1593 par la tour du Papegault, incluse dans les nouvelles fortifications.
- Une autre motte s'élevait sur l'actuel cours Saint-Pierre.
- L'église Saint-André, fondée en 409, siège d'une petite abbaye au IXème siècle, se situait au centre de la ville, au niveau du 80 de la rue Saint-André.
- L'église Saint-Clément fut fondée en 490.
- La basilique Saint-Donatien-Saint-Rogatien, élevée sur le site d'une ancienne nécropole, abrite dans sa crypte le tombeau des Enfants Nantais.
- La maison des Enfants Nantais, à l'angle des rues Desaix et Saint-Donatien, occuperait l'emplacement de l'ancienne demeure des deux frères.
- Deux croix jumelées signalent, rue Saint-Donatien, le lieu du supplice des Enfants Nantais.
- Une chapelle Saint-Etienne, bâtie par saint Epiphane au VIème siècle pour abriter une relique de ce saint, se tenait près de la basilique Saint-Donatien-Saint-Rogatien.
- L'église Saint-Similien, qui a succédé à une première église Saint-Pierre, fut fondée à l'ouest de l'Erdre en 419 à la place d'un oratoire bâti par saint Similien.
- La chapelle Saint-Symphorien se situait à proximité de cette église.
- Le prieuré de la Madeleine a été établi au XIIème siècle sur une île de la Loire.
- L'église Saint-Jacques fut fondée au XIIème siècle.
Saint Clair guérissant les aveugles, tableau de la cathédrale
- Condevincum, du gaulois condate, "confluent" (ancien nom au temps de la conquête romaine, qui peut s'appliquer à Nantes, comme à d'autres sites : Candé ou Blain, par exemple).
- Sous la domination romaine, Portus.
- Namnetensis, le "port des Namnètes".- Naoned (nom breton).
- Le personnage arthurien Caradoc était seigneur de Nantes.
- Baco fut un roi mythique de Nantes.
- Conan Meriadec, réputé premier roi de Bretagne, fait de Nantes sa capitale vers 416.
- Les frères saints Donatien et Rogatien ont été les premiers martyrs de Nantes et sont devenus emblématiques pour la ville sous le nom des Enfants Nantais.
- Saint Clair fut le premier évêque, au milieu du IVème siècle, mais on a aussi dit qu'il vécut au Ier siècle et que, dépositaire d'un clou de la croix du Christ, il fut directement envoyé par saint Pierre.
- Au VIème siècle, l'évêque saint Félix, un bâtisseur, régula les cours de l'Erdre et de la Loire et joua un rôle décisif dans l'aménagement du territoire.
- Saint Martin de Vertou y est né.
- Saint Gohard, évêque de Nantes au moment des incursions normandes, fut décapité sur les marches de son autel, et a rejoint Angers par bateau, en portant sa tête, pour y être enterré.
- Alain Barbe-Torte libère Nantes du joug des Normands et peut être considéré comme le second fondateur de la ville.
- Gilles de Rais y fut jugé et supplicié.
Les deux croix marquant le lieu de la mort des saints Donatien et Rogatien
- Le Carnaval des Grosses-Têtes, le dimanche de la Mi-Carême et un dimanche d'avril.
- Trois fêtes qui au XVIIème siècle, selon Albert le Grand, "faisaient affluer les fidèles : les ides de janvier, les nones d'avril et le calendes d'août", ces dernières correspondant à l'ancien Lugnasad et pouvant suggérer une dédicace initiale de la cathédrale à Saint-Pierre-aux-Liens.
- Namnetas a pris, à partir du IVème siècle, le nom de la cité gauloise des Namnètes.
- Nantos, en gaulois, signifiant "vallée", Nantes pourrait être également définie comme la "ville du fleuve, de la vallée".
La ville de Nantes s'est développée au confluent de la Loire et de l'Erdre, en un point ouvert à la fois sur la mer et sur le cours supérieur du fleuve. En un point également où la traversée de la Loire était facilitée par la présence de nombreuses îles.
Cette situation lui a conféré sa vocation portuaire et commerciale que vint vite compléter un réseau de voies de circulation qui la mettait "à la croisée des chemins".
Des traces d'occupation depuis l'an 2000 av. J.-C. sont décelables, mais c'est avec l'âge du bronze, l'extraction et le commerce de l'étain, et le développement de la métallurgie que le site prit son véritable essor, conjointement avec Rezé, sur l'autre rive, en devenant notamment la cité de la tribu gauloise des Namnètes.
Partagée entre Bretagne et Val de Loire, christianisée au IIIème siècle, Nantes conserve des traces d'anciennes traditions et croyances qui peuvent se faire jour à travers la vie de saints locaux, certaines légendes et l'organisation même de l'espace urbain, comme Jean Paul Lelu a pu le déchiffrer.
Les Enfants Nantais(sts Donatien et Rogatien)sur une façade de la place du Change
Saint Similien, vitrail de l'église Saint-Similien
La plaque dédiée à Vulcain (mairie de Nantes)
Nantes apparaît plusieurs fois dans les romans arthuriens : c'est là qu'est célébré le mariage d'Erec et Enide, et c'est dans la tour du Bouffay que la mère de Caradoc est retenue prisonnière. Ce serait Carnant, la capitale du roi Lac, père d'Erec. L'épée remise à Perceval au château du Graal y avait été forgée par Trébuchet (nom typiquement nantais), et, une fois brisée, ne pouvait être ressoudée que par la vertu de l'eau d'une fontaine située aux portes de cette ville.
Un corpus légendaire et hagiographique s'est par ailleurs développé autour de la ville de Nantes :
D'emblée la ville semble placée sous le signe des jumeaux (Gémeaux) et des Dioscures. Le géographe Timée ne notait-il pas, dès le IIIème siècle av. J.-C., que "les Celtes riverains de l'Océan ont une vénération particulière pour les Dioscures"?
Il s'agissait apparemment de héros fondateurs, venus de la mer. Et c'est bien un couple de frères martyrs, qui peuvent symboliquement considérés comme des jumeaux, que l'on retrouve en tant que fondateurs de la ville chrétienne à la fin du IIIème siècle : saints Donatien et Rogatien.
Deux évêques illustrèrent aussi cette période à Nantes, même si l'on a pu dire du premier d'entre eux, saint Clair, qu'il avait été directement envoyé par saint Pierre dès le Ier siècle. C'est à son nom sans doute qu'il a dû sa réputation de pouvoir rendre la vue aux aveugles, infirmité qui le toucha, paraît-il, lui-même. Saint Similien, troisième dans la liste des évêques nantais, a pu être cité comme sauroctone. Une église lui a très vite été dédiée hors les murs, dans une zone de collines boisées. Sa tête fut jetée par les Normands dans un puits situé dans l'église ; on ne pouvait, disait-on, y plonger le regard sans encourir la colère du saint.
Une horrible bête, un dragon, hantait l'épaisse forêt qui s'étendait au nord-ouest de Nantes, autour de la vallée de la Chézine et jusqu'à l'actuelle place du Martray. Il terrorisait les populations, s'attaquant aussi bien aux troupeaux qu'aux paysans et aux voyageurs. Les Nantais firent alors le voeu d'édifier une chapelle à la Vierge s'il pouvait être terrassé. Trois chevaliers partirent en quête du dragon, qui tua et dévora l'un d'eux. Mais il se soumit aux deux autres qui le tuèrent. C'est à cet endroit que l'on édifia la chapelle Notre-Dame-de-Miséricorde, qui a disparu mais dont le nom est perpétué par le cimetière. Et la mâchoire du monstre fut conservée jusqu'à la Révolution dans le trésor de la cathédrale.
Saints Derrien et Neventer, qui peuvent eux aussi être qualifiés de "jumeaux", semblent faire écho à cet épisode : ils se rendent dans ces abords de Nantes décidément marqués par la lutte contre les dragons. Ils se recueillent dans l'église Saint-Similien avant d'enfourcher les chevaux que leur confie l'évêque et de s'en aller terrasser un autre dragon dans le Finistère.
Au temps de Clovis, vers 510, Nantes était assiégée par les Saxons. Une nuit, leur chef, Chillon, fut témoin d'un étrange phénomène : une double procession se déployait, en robes blanches, à partir des églises Saint-Similien et Saint-Donatien pour se rejoindre au milieu. Et cette vision l'impressionna au point qu'il leva aussitôt le siège.
Nantes fut encore le site d'un cas de céphalophorie, associé à deux églises Saint-Pierre : alors qu'en 843 les Normands approchent dangereusement, la population trouve refuge dans la cathédrale, autour de son évêque, Gohard. Mais les hordes sauvages forcent les portes et et massacrent tout le monde. Ce 24 juin, Gohard est décapité au pied de son autel alors qu'il célèbre la messe de Saint-Baptiste qui eut lui aussi la tête tranchée. Mais il se relève, ramasse sa tête et, suivi par les Normands stupéfaits, gagne les rives de la Loire. Là un bateau l'attend, sans voile ni rame, qui remonte le fleuve puis la Maine, jusqu'à Angers, la ville natale de Gohard. Les cloches de la ville se mettent alors à sonner d'elles-mêmes, jusqu'à ce que le clergé vienne en gande pompe accueillir le saint martyr afin de l'enterrer dans l'ancienne église Saint-Pierre.
Enfin, à la même époque, Alain Barbe-Torte, sur le point de reprendre la ville aux Normands, se trouve avec son armée pris d'une soif terrible. Il invoque la Vierge qui fait jaillir une fontaine que les Nantais nommèrent Fontaine Sainte-Marie.
Trois chevaliers affrontant un dragon qui déciment les troupeaux des Hauts-Pavés
L'assassinat de saint Gohard, tableau de la cathédrale
Jean Paul Lelu dont les articles forment la base de cette rubrique