Sans être le fondateur de l'évêché de Rennes, Saint Melaine peut être considéré comme son premier grand représentant, en un temps (début du VIème siècle) qui voit paraître les sept saints fondateurs de l'église bretonne, les "pères de la patrie" : Brieuc (Saint-Brieuc), Tugdual (Tréguier), Samson (Dol), Cado (Vannes), Pol-Aurélien (Saint-Pol-de-Léon), Corentin (Quimper), Malo (Saint-Malo). Il fait partie de ces personnages qui, à l'exemple de saint Martin à Marmoutier, exercent leur fonction épiscopale tout en vivant retiré, plus ou moins en ermite.C'est à Platz, dans sa maison familiale, que Melaine s'installe, non loin de Redon, au milieu d'une zone marécageuse, soumise aux inondations, où l'on s'affronte donc à une nature indomptée. Saint Melaine s'impose ainsi comme un personnage civilisateur, emblématique de l'implantation du christianisme en cette région. C'est cette lecture que l'on peut avoir des miracles qui ont illustré sa vie. C'est également en ce sens que l'on peut interpréter le rôle politique qu'il a joué, en devenant par exemple le conseiller de Clovis.
La vie de saint Melaine, dans l'église de Preuilly-sur-Claise (37)
On connaît trois Vitae de saint Melaine, qui se recopient en partie, et dont la plus ancienne semble remonter entre le VIIème et le IXème siècle, et la plus récente au début du XIème siècle.
- Acta Sanctorum I, 6 janvier.
- Les petits Bollandistes : vies des saints, tome premier (du 1er au 26 janvier, d'après les bollandistes, le père Giry, Surius,... ; par Mgr Paul Guérin, Paris, Bloud et Barral, 1876.
- Albert LE GRAND, Vie des saints de Bretagne Armorique, 1636 - D.L. Miorcec de Kerdanet, 1837 - Brest, P. Anner et Fils, et Paris, chez Isidore Pesson, 1837.
- Dom Guy-Alexis LOBINEAU, Vies des saints de Bretagne, Rennes, Cie des imprimeurs libraires, 1724 - Abbot Tresvaux, 1836.
- Abbé A. MILLON, Saint Melaine, Rennes, L. Bahon-Rault.
- Marc DECENEUX, "Le culte de saint Léonard en Ille-et-Vilaine : l'empreinte d'une géographie sacrée antique ?", Bulletin de la Société de Mythologie Française n° 200
Période de la chute de l'Empire romain d'Occident.
Evêque thaumaturge.
La châsse et le portrait de saint Melaine, à Btain-sur-Vilaine
Melanius (latin), Melan (breton), Melean, Melen, Melani, Malani.
Le rapprochement phonétique a pu suggérer un lien avec le dieu gaulois Belen.
- Le 6 janvier (anniversaire de naissance et non de mort, ce qui est rare pour les saints) : jour de l'Epiphanie, situé entre les fêtes de ste Mélanie la Jeune (31 décembre) et de ste Mélanie l'Ancienne (26 janvier).
- Le 6 novembre à Coutances.
- Jusqu'en 1858 et à Nantes, le 12 novembre.
Faut-il rapprocher le nom de Melaine de la racine indo-européenne melanos qui marque, en sankrit, la saleté et l'impureté en même temps que la noirceur, qui signifie, en grec, "noir", et qui, en gallois a donné melyn, "jaune" ?
Fronton de l'église Saint Melaine, à la Chapelle-de-Brain
- Un 6 janvier du milieu du Vème siècle (442, 456, 462 ?), au lieu-dit La Blandinais, à Platz, actuellement Brain-sur-Vilaine (commune de La Chapelle-de-Brain).
- D'autres lieux ont revendiqué sa naissance, comme Plufur ou Plélauff dans les Côtes-d'Armor.
- Peut-être le 6 novembre 535 (ou 530), à Platz.
- Enterré à Rennes.
L'Eglise Notre-Dame-en-Saint-Melaine, ancienne abbaye bénédictine, à Rennes
Famille gallo-romaine aisée, chrétienne et pieuse.
- Evêque de Rennes, succédant à Amandus vers 491 ou 500.
- Conseiller de Clovis.
La bannière de saint Melaine, à Brain-sur-Vilaine (35)
Représenté en évêque, avec mitre et crosse.
Saint Melaine est avant tout un personnage historique : il a été désigné comme successeur par l'évêque de Rennes, saint Amand, sur son lit de mort, et sa présence au concile d'Orléans en 511 est attestée. Sa vie est en même temps, comme celle de la plupart des saints, émaillée de faits extraordinaires qui ont pour la plupart été consignés dans le récit de sa vie, et qui en font un personnage exemplaire autant que légendaire.
Melaine s'est distingué en devenant le conseiller intime de Clovis, qui fait appel à lui pour assurer son pouvoir sur les cités de l'Ouest. La Vita ne mentionne-t-elle pas que "par les conseils de Melanius, le roi construisit beaucoup d'églises neuves, releva celles qui étaient ruinées, travailla à développer le culte, soulagea la misère et rendit exactement la justice à ses peuples."
De même, au concile d'Orléans, "il y brilla comme le vaillant porte-étendard de toute l'assemblée, réfuta les objections des hérétiques et proclama les véritables maximes de la foi orthodoxe."
Il participe ainsi, au service de la nouvelle religion, au rayonnement du pouvoir et finalement à la fondation de la France. Ce que semble vouloir confirmer le jour de sa fête le 6 janvier, jour de l' Epiphanie, de la fête des Rois.
L'ouverture de la prison lors de l'enterrement de st Melaine, église Notre-Dame, Rennes
L'ordination et le prêche de saint Melaine, égllise de Miré (49)
stmelaine_topo.swf Mars Mullo
De nombreux épisodes font basculer le personnage historique de l'évêque de Rennes vers la légende :
Encore enfant, il est puni pour s'être attardé à prier dans un oratoire ; il est fouetté avec des branches de genêts, ce qui explique que cet arbrisseau a depuis cessé de pousser sur la paroisse de Brain. On trouve ce même thème dans la vie de son ami saint Mars, avec l'épisode du champ de fougères.
Saint Melaine est également l'auteur de nombreux miracles : il guérit les boiteux, rend la parole aux muets, délivre les possédés, et va jusqu'à ressusciter les morts. On raconte par exemple qu'un chef militaire, Eusebius, affecté au camp de Marsac à la limite actuelle de l'Ille-et-Vilaine et du Morbihan, maltraitait les habitants de Comblessac et de Carentoir, en leur coupant les mains et en leur arrachant les yeux. Il est soudainemant pris de vives douleurs, tandis que sa fille, Aspasie, se roule par terre, l'écume à la bouche. Eusebius en est réduit à faire appel à Melaine qui lui impose une pénitence avant de les guérir, lui et sa fille.
En attendant d'en accomplir sur sa tombe, Melaine opère un dernier miracle : alors que l'on ramène, par bateau sur la Vilaine, son corps à Rennes pour l'y enterrer, il libère des voleurs enfermés dans une tour ; les entraves des prisonniers tombent d'elles-mêmes et une brèche s'ouvre dans la muraille pour leur permettre de s'évader.
On ne peut manquer non plus de relever l'idée de blancheur, de clarté que suggère le fait qu'il soit né à La Blandinais, et qu'il soit volontiers représenté en compagnie de saint Aubin, le "blanc" (sainte Mélanie la Jeune est de même mise en rapport avec sa mère, Albine), ou de saint Victor, dont le nom est encore un facteur valorisant. Son lien avec saint Mars suggérant une autre piste de recherche.
Tous ces éléments semblent vouloir nous ramener vers un personnage lumineux, comme pourrait l'indiquer la piste étymologique qui donne "jaune, doré" en gallois et en breton (en négligeant bien sûr le melanos, "noir", en grec). Pourquoi dès lors rejeter une assimilation avec le dieu celtique Belen, le "brillant" (la prononciation courante rapproche nettement "melaine" de "belaine") ? Un dieu qui, en l'occurrence, dominerait les puissances obscures pour établir la civilisation (il est né, a vécu et fondé son monastère, et est mort à Platz, en un lieu marécageux ; il est aussi capable de démasquer le Diable et de déjouer ses manoeuvres). Il saurait maîtriser les pouvoirs et cultes importés par les Romains (Marsac, et saint Mars), pour établir un christianisme ancré dans une tradition celtique tel que celui qui se développait au même moment dans les autres évêchés de l'Armorique.
Marc Déceneux, de son côté, relève un lien avec saint Léonard, celui qui brise les chaînes, et cela rend bien sûr compte du miracle de la libération des prisonniers et sans doute aussi de celui de la libération de saint Mars. Il y a certainement là une autre piste qu'il conviendrait d'explorer.
La statue de saint Melaine dominant la Vilaine en crue, près de la Chapelle-de-Brain (35)
L'enfance de saint Melaine, église de Brain-sur-Vilaine (35)
L'enfance de saint Melaine, église de Brain-sur-Vilaine (35)