Personnage historique, sainte Radegonde reste avant tout, dans l'iconographie, une figure de reine. Mais, dans sa fuite réitérée devant Clotaire et dans la façon dont elle fait plier saint Médard, c'est la détermination à renoncer aux attraits de la vie profane et à vivre religieusement qu'elle incarne. Mais sa vocation est celle d'une femme d'action et de service, à la manière de sainte Marthe, et non de contemplation, comme Marie-Madeleine. Sa dévotion auprès des malades, et tout particulièrement les soins qu'elle accorde aux lépreux, expliquent le fait qu'elle soit invoquée contre les maladies de peau, tandis que les services (nettoyage des chaussures, vaisselle) qu'elle rend aux autres religieuses du monastère rendent compte des divers patronages qu'elle exerce. Et c'est sans doute par le miracle des avoines qu'il faut expliquer la protection qu'elle exerce, dans l'Orne notamment, sur les moissons.
Sainte Radegonde dans l'église de Joué, à Valanjou (49)
La vie de sainte Radegonde a été rapportée par deux contemporains :
- Venance Fortunat, Vita s. Radegundis reginaæ (VIème siècle), trad. R. Aigrain, 1910, coll. sous la direction de Robert Favreau, Seuil, 1995
- Baudonivie, Vita Radegundis (VIème siècle), trad. R. Aigrain, 1910
- Grégoire de Tours, De Gloria confess., Hist. Franc. IX, XXXIX et XLIV
- Hildebert de Lavardin, Vie de sainte Radegonde (XIIème siècle)
- Histoire et chronique de Clotaire Ier et de sainte Radegonde, Poitiers, 1517
- Jean Filliau, Les Preuves historiques des litanies de la grande reyne de France sainte Radegonde, Poitiers, 1643
- Abbé E. Briand, Histoire de sainte Radegonde, reine de France, des sanctuaires et des pèlerinages en son honneur, Poitiers, 1898
- Chanoine René Aigrain, Sainte Radegonde, Paris, 1918, Poitiers, 1952, et Les Trois-Moutiers, 1957
- E. Ginot, "Le Manuscrit de sainte Radegonde de Poitiers", Bulletin de la Société de reproduction des manuscrits, 1930
- Mathilde Alanic, Sainte Radegonde, Paris, 1930
- Abbé Brossard, Le Miracle des clefs, Poitiers, 1930
- Hippolyte Gancel, Les Saints qui guérissent en Normandie, éditions Ouest-France, 1998
Maurice Piboule, St Marien et ste Radegonde en Bourbonnais, Bulletin de la Société de Mythologie Française, n° 113
- Bulletin de la Société Française de Mythologie n° 203, p 45
- Thierry GAILLARD, L'oie en Poitou :essai de reconstitution d'un mythe d'explication des saisons, Bulletin de la Société Française de Mythologie n°220
- Reine et moniale.
- Sauroctone.
Sainte Radegonde devant l'église St-Germain-l'Auxerrois, à Paris
Aragonde, Aragone, Radiane, Radienne, Ragon, Ragonde.
Indépendamment de la référence aux évangiles apocryphes, le miracle des avoines se retrouve (l'avoine devenant éventuellement orge ou froment) dans plusieurs vies de saintes, comme Macrine, où l'on voit celles-ci échapper à de puissants personnages qui en veulent à leur virginité. Sainte Néomaye, quand à elle, préserve sa vertu grâce à une autre astuce, qui rejoint celle à laquelle a recours sainte Enimie.
Sainte Radegonde dans la chapelle de Beauchêne, à Cerizay (85)
- Le 13 août.
- Le 28 février (« Sainte-Radegonde d'hiver, ou des Avoines »), commémorant le miracle des avoines, et peut-être autrefois une translation des reliques.
- Le 3 août : commémoration de l'apparition de Jésus dans le monastère.
Le nom de Radegonde, Aragundis, vient du germanique ragin, "conseil", et gund, "guerre".
Dévotions à sainte Radegonde dans la chapelle du Bézier, près de Bagnoles-de-l'Orne (61)
En Thuringe, peut-être à Erfurt, vers 518.
A Poitiers, le 13 août 587.
Sainte Radegonde dans l'église de Lerné (37)
- Fille de Belthaire (Balderic), roi de Thuringe, et nièce d'Hermenefrid, l'assassin de son père.
- Troisième femme de Clotaire Ier.
- Patronne de Poitiers, des prisonniers (et protectrice de l'ordre des Trinitaires qui avaient pour mission de faire libérer les captifs), des cordonniers et des potiers de terre.
- Modèle de chasteté.
- Invoquée pour les cultures dans l'Orne, où elle protège notamment l'avoine du ver blanc.
- Invoquée contre les maladies de peau, la gale, la peste et les rhumatismes.
- Protectrice contre les attaques des loups et contre les possessions démoniaques.
- "Protectrice des enfants de France".
Pierres déposées sur un arbre, près de la chapelle du Bézier (Bagnoles-de-l'Orne) pour obtenir des guérisons de sainte Radegonde
Représentée en reine, avec la couronne, le sceptre et le manteau fleudelysé, ou comme une nonne, tenant un livre et ayant les insignes royaux à ses pieds.
Radegonde est un personnage historique inscrit dans les évènements du VIème siècle, et sa vie nous a été rapportée par deux contemporains qui la connaissaient bien : la soeur Baudonivie qui vivait auprès d'elle, et Venance Fortunat avec qui elle a entretenu une correspondance suivie sur un mode poétique qui préfigure la poésie courtoise.
Fille du roi de Thuringe, Radegonde connut une vie particulièrement mouvementée. Elle est enlevée à l'âge de dix ans, avec son jeune frère, au cours d'une expédition menée par les rois francs, les fils de Clovis, et elle échoit à Clotaire Ier. Celui-ci, sensible à sa beauté, la fait élever dans une de ses maisons, à Athies, près de Laon, et lui procure la meilleure éducation. Elle se voue alors à la chasteté. Mais l'intention de Clotaire est d'en faire sa femme. Aussi, lorsqu'elle parvient à ses 18 ans et que, de surplus, la reine Ingonde décède, elle comprend que l'échéance des noces approche. Devant la perspective de partager la couche de celui qui s'est attaché à décimer sa famille et à subjuguer son pays, et qui de plus mène une vie de débauche, elle s'enfuit et tente d'échapper en barque. Hélàs, Clotaire la rattrape et la contraint à l'épouser.
Devenue reine, elle se consacre à la prière, à la pénitence et aux soins des malades, et néglige beaucoup son mari. Cela dure six ans, jusqu'au jour où celui-ci met à mort le frère de Radegonde, injustement soupçonné de comploter. Elle se réfugie alors auprès de saint Médard et le met en demeure de lui donner le voile des religieuses, ce que l'évêque de Noyon, craignant d'aller à l'encontre du roi, ne fait qu'à contre-coeur et sous la menace.
Puis elle passe par Tours pour se recueillir sur le tombeau de saint Martin et se retire avec ses compagnes Agnès et Disciolle à Saix, non loin de Loudun, où elle se consacre aux malades.
Clotaire est contraint d'accepter la séparation. Il fait même édifier un monastère à Poitiers, où Radegonde institue la règle de saint Césaire Elle y passe le reste de sa vie dans la pénitence et la mortification, tout en se consacrant aux pauvres. A la fin de sa vie, elle fait murer sa cellule, et elle ne communique plus avec l'extérieur que par un petit orifice.et où elle passe toute la fin de son existence, se faisant pendant certaines périodes emmurer dans sa cellule pour y vivre en recluse. C'est là que, peu avant sa mort, elle voit le Christ qui lui apporte des paroles de réconfort. Il laisse sur le sol la marque de son pied, le "pas de Dieu", qui est toujours visible.
Le culte de sainte Radegonde s'est rapidement développé après sa mort. Stimulé au XIème siècle par la redécouverte de son tombeau, il sera toujours fervent jusqu'à nos jours.
La vie de sainte Radegonde sur les vitraux de l'église Ste-Radegonde à Poitiers
Sainte Radegonde dans l'église de Bué-en-Sancerre (18)
Sainte Radegonde et saint Ortaire dans l'église de la Chapelle-d'Andaine (18)
Fêtée au mois d'août, sainte Radegonde est un personnage de la canicule.
Le "miracle des avoines" est un épisode important de sa vie. Il reprend un passage des évangiles apocryphes, où l'on voit la sainte Famille, lors de la fuite en Egypte, échapper de la même manière, grâce à un moissonneur, aux poursuites d'Hérode : Clotaire, regrettant de l'avoir laissée partir, se lance à sa poursuite. Radegonde erre longuement dans la campagne et est sauvée de justesse : au moment où elle va être rattrapée, elle avise un semeur. Elle demande à l'homme de répondre, au cas où on lui pose la question, qu'il n'a vu personne passer par là depuis le moment où il a ensemencé son champ. Puis elle se met à prier ; l'avoine pousse alors à vue d'oeil et grandit jusqu'à la dérober aux regards. A la réponse du paysan, Clotaire doit reconnaître le signe du ciel et se résoud à suspendre ses poursuites. Cet épisode explique probablement que Radegonde soit considérée comme une reine d'abondance : en Normandie notamment on jette des poignées d'avoine sur les marches des chapelles qui lui sont consacrées.
Le miracle dit "de Péronne" montre la sainte libérant des prisonniers : elle entend leurs cris et prend pitié d'eux et, tandis qu'elle prie, leurs chaînes se brisent. Il faut ajouter au crédit de la sainte des faits habituels de l'hagiographie : guérison d'aveugles, délivrance de possédés, ressurection de morts.
La neutralisation de la Grand'Goule lui a également été attribuée par la tradition populaire. Ce dragon gîtait dans une grotte sur les bords marécageux du Clain, et répandait la terreur dans les environs en prélevant notamment des victimes parmi les religieuses du monastère, jusqu'à ce que la sainte se porte au-devant de lui et parvienne à l'amadouer. Il s'agit en fait d'un épisode habituellement attribué à saint Hilaire, ce qui atteste de sa popularité dans la ville de Poitiers. Radegonde rejoint ainsi le groupe des sauroctones. Il n'en reste pas moins qu'aux côtés de cet exploit et de diverses guérisons, Radegonde est connue pour avoir expulsé plusieurs démons du corps de possédés.
Après sa mort, elle intervient pour empêcher un traître de livrer les clefs de la ville de Poitiers aux Anglais.
Maurice Piboule voit dans le rapprochement de son nom avec "argonde", désignation locale pour désigner "le gué", la raison de la présence du culte de Radegonde aux points de passage le long des cours d'eau, souvent limites de territoires.
Le Pas de Dieu, dans l'église Sainte-Radegonde de Poitiers
Sainte Radegonde dans l'église Saint-Nicolas, de Civray (86)
Sainte Radegonde dans l'église Saint-Nicolas, de Civray (86)