Aucun récit, aucune représentation ne nous permet de nous faire une idée exacte de ce que fut le dieu gaulois, et pan-celtique, Belen. Un certain nombre de textes et d'inscriptions toutefois attestent de son existence. L'une des principales fêtes celtiques, Beltaine, lui était consacrée. Et quelques toponymes se réfèrent de façon évidente à lui, tandis qu'une multitude d'autres pourraient également s'en revendiquer. Tout porte à croire que Belen fut une divinité majeure du panthéon celtique. Mais, si certains points sont avérés, sa véritable nature reste encore l'objet de conjectures.
- AUSONE fait allusion en Gaule au IIIème siècle à un prêtre de Belen : Commemoratio, Paris, Garnier, 1934.
- Beli dans les Mabinogion, trad. Joseph Loth, Paris, Les Presses d'aujourd'hui, 1979.
- H. GAIDOZ, Le dieu gaulois du soleil et le symbolisme de la roue, Revue Archéologique, 1884.
- Henri DONTENVILLE, Mythologie française, Paris, Payot, 1973.
- Henri DONTENVILLE, Les Dits et récits de mythologie française, Paris, Payot, 1950.
- Henri DONTENVILLE, La France mythologique, Paris, Tchou, 1966 - Paris, H. Veyrier-Tchou, 1980.
- H. DONTENVILLE, L'Apollon gaulois et le prince Belin, Bulletin de la Société de Mythologie Française, n° 1.
- Henri FROMAGE, Un thème mythologique en forêt de Compiègne, Bulletin de la Société de Mythologie Française, n° 124.
- Patrice LAJOYE, Belenos dans les textes antiques et médiévaux, Bulletin de la Société de Mythologie Française, n° 204.
- J. GOURVEST, La culte de Belenos en Provence occidentale, Ogam, VI, 1954.
- Paul-Marie DUVAL, Les Dieux de la Gaule, Paris, Payot, 1957 - Réed. 1976, 1986, 1993.
- Yann BREKILIEN, La Mythologie celtique, Monaco, Editions du Rocher, 1993.
- Edouard SCHURE, Le Réveil de l'âme celtique, Paris, Bouchet 2001.
- Georges DRIOUX, Cultes indigènes des Lingons, Paris, Picard, Langres, Imprimerie Champenoise, 1934
Celtique, peut-être pré-celtique.
Divinité solaire, et, selon l'opinion la plus répandue, dieu suprême des Gaulois.
Dieu guérisseur, grâce à l'éclat bienfaisant de la lumière solaire.
- Belenos, Belin, Belenus, Belinus, Belinos, Belus (à Vaisons-la-Romaine), Belis, Beli, Bel, Beler, Abellion (Pyrénées), Grannos ("le brûlant").
- On peut également rattacher à Belen les surnoms donnés à l'Apollon gallo-romain : Amarcolitanus ("au large regard"), Anextiomarus ("le protecteur"), Atepomaros ("le grand cavalier"), Borvo ("le bouillonnant"), Livicus ("le brillant"), Maponos ("le jeune homme"), Mogounos ("serviteur"), Virotutis ("bienfaiteur des hommes") ...
- Le dieu solaire Apollon, reconnu comme l'équivalent de Belen dans la mythologie gréco-romaine, et le dieu celte Lug, "le brillant", auquel certains l'identifient.
- Dans la mythologie irlandaise, Oengus, qu'Yann Brekilien assimile à Belen.
>- Par association des noms, le dieu Bel en Mésopotamie.
- Les saints Michel (également lumineux, et révéré sur les hauteurs), Bonnet, Blandin (fêté le 1er mai) qui peuvent en certains lieux avoir pris la succession du dieu gaulois.
- Saint Bénigne, à propos duquel Jean Paul Lelu (BSMF n° 115) note la distorsion du nom des paroisses qui lui sont dédiées : Saint-Blin, Dambelin, Damblain, Domblain ou Domblainville. Ne peut-on pas imaginer l'imprégnation d'un ancien culte au travers de sa christianisation, de même que certaines paroisses dédiées à saint Médard ont retenu le nom de Saint-Mars ?
- Peut-être Vintur (de vindos, blanc ?), le dieu du mont Ventoux dans le Vaucluse.
- Différents héros de la tradition celtique, divinités et saints, ont été, pour différentes raisons, assimilés à Belen : Gargantua, saint Melaine (dont le nom se prononce souven "b'laine"), les frères opposés Balin et Balan dans le Roman de Merlin ...
- Les personnages du cycle de Charlemagne Balan et Baligant pourraient incarner l'ancien dieu déchu Belen.
- Le prince Belin dans le Jura, ou le seigneur de Belin dans le Bas-Maine.
- Le bélier Belens du Roman de Renard, ou Belenus dans le poème latin (XIIème siècle), du flamand Niverd qui l'a inspiré.
Tête solaire, musée de Luchon
- L'Irlande a perpétué la fête de Beltaine (le "feu de Bel") au 1er mai, marquant l'ouverture de l'été celtique.
- On suppose également que l'on allumait des feux en l'honneur de Belen au moment du solstice d'été, pratique qui auraient été perpétuée par nos feux de la Saint-Jean.
- On associe habituellement la racine bel à la lumière (*guel, "briller", francique blaenk, "brillant"), mais on peut aussi noter le breton blein, "hauteur" ou belien qui suggère la puissance.
- D'après le Dictionnaire de la langue gauloise de Xavier Delamarre, bel ne désignerait pas la lumière, mais correspondrait à belo, bello, "fort, puissant".
- Claude Gaignebet (BSMF n° 123), suivant le dictionnaire étymologique de Pokorny, a suggéré une racine bhel exprimant "l'idée de gonflement et de bouillonnement".
- Jacques Brosse, dans sa Mythologie des arbres relève le grec balanos, "gland (du chêne ou de l'homme)", ce qui impliquerait une fonction nourrissante, fécondante, voire aphrodisiaque.
- A noter que le prêtre en breton se dit beleg, "l'homme de Bel".
- Il faut mentionner l'ambiguïté dans les toponymes entre "Bel, Belen" et "beau, bel" (Bel-Air désigne-t-il toujours un lieu bien aéré ?) . Mais n'y a-t-il pas une parenté étymologique entre les deux vocables ?
Statue trouvée à Luchon : Bélénus ?
- Belisama est considérée comme sa parèdre.
- Selon Geoffroy de Monmouth, père de Gurgunt, peut-être assimilable à Gargantua.
- Dieu des sources, des eaux vives (bouillonnantes), des sanctuaires prophétiques, de la médecine, du raisonnement, de l'harmonie, de la beauté ...
- Dieu magicien, associé aux bois et aux forêts.
On n'en connaît aucune représentation attestée. Son caractère solaire pourrait être évoqué par cette description d'Elada dans les textes irlandais, que cite Patrice Lajoye : "Un homme de la plus grande beauté : il avait des cheveux jaunes comme de l'or sur ses épaules, un manteau avec des bordures de fil d'or autour de lui, une chemise avec des broderies de fil d'or, une broche sur la poitrine, ayant l'éclat d'une pierre précieuse ; deux lances brillantes en argent et deux manches de bronze délicatement rivés, cinq cercles d'or à son cou, une épée à poignée d'or avec des damasquinures d'argent et des clous d'or."
Ses emblèmes peuvent être le corbeau, le griffon, la lyre.
Le dieu Belen est attesté par quelques inscriptions et textes antiques, et on le retrouve, sous divers noms et formes, dans la Matière de Bretagne, les chansons de geste et quelques textes médiévaux.
Son culte est attesté au-delà de nos frontières, notamment en Italie du nord.
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On ne connaît pas de mythe se rapportant directement à ce dieu. Ce n'est qu'en interpolant à partir de son nom, de personnages qu'il aurait inspirés ou de lieux qui auraient été nommés d'après lui, que l'on peut en esquisser la nature.
Il apparaît avant tout comme un dieu solaire, ce qui explique son assimilation avec Apollon (l'Apollon irlandais est désigné sous le nom de Belenos-Gran, Gran évoquant la divinité gauloise Grannus). Edouard Schuré voit en Bélen, ou Bel-Héol, la divinité suprême, un « Dieu solaire de la lumière primordiale, physique et hyperphysique ». Et on a pu avancer qu'héritier d'une divinité plus ancienne, il est devenu, à la fin de la période gallo-romaine, dieu suprême et unique dans le cadre d'un monothéisme gaulois. L'absence de documents le concernant est-il à rapprocher de la suprématie abstraite d'Ishwara au sein de la mythologie hindoue, ou, comme le fait remarquer Henri Dontenville, de celle de Dieu le Père par rapport à la figure de Jésus ?
Est-ce en rapport avec la course solaire que l'on voit, dans la Mayenne (à Saint-Martin-de-Connée) un seigneur de Belin s'envoler dans le ciel, et y laisser l'empreinte du sabot de son cheval, tout comme en Sarthe (à La Fontaine-Saint-Martin) ?
C'est en tout cas un dieu lumineux, dont les fonctions sont la médecine et les arts. Il est honoré lors de la fête de Beltaine, qui au début mai marque une rupture dans l'année : le passage de la saison sombre à la saison claire. Cette fête consistait essentiellement en un rituel lié au feu (les druides faisaient passer le bétail entre des feux afin de le protéger des épidémies), qui aurait survécu à travers les traditions de la Saint-Jean ou du feu pascal.
Selon Jean Paul Lelu (BSMF 76), il semble que dans le calendrier pré-julien, les nuits de nouvelle lune étaient l'occasion de célébrer le soleil, en allumant des feux rituels par dessus lesquels on passait ou sautait.
Le rattachement possible du nom de certains lieux-dits, correspondant à de petits sommets, au breton blein, "hauteur", n'exclue pas nécessairement la présence du dieu : il semble que celui-ci était fréquemment vénéré en de tels points, d'où notamment les feux peuvent être vus de loin. Ou bien l'association s'est faite sur la parenté phonétique, ou bien le nom "Belen" pourrait être à l'origine lié à un mot gaulois désignant une hauteur, lieu de culte du dieu.
Henri Fromage (BSMF 55) suggère pour le mot "bélier", dont l'étymologie est mal définie, une racine commune avec le nom de Belin : cet animal aurait été associé à l'élément "feu", comme le montrerait sa fréquente représentation sur les chenets du Bas-Empire ou, en Inde, son rôle en tant que monture d'Agni, le dieu du feu.
Il s'agit par ailleurs d'un dieu des eaux vives (bouillonnantes) et de la santé.
Geoffroi de Monmouth présente, dans son Histoire des rois de Bretagne, un roi de la Bretagne insulaire, ayant régné avant Jules César, et portant le nom de Belinus. Il était le père de Gurgunt qui lui-même fut un grand conquérant. Il est tentant de retrouver là une manifestation du dieu Belen et de Gargantua. Est-ce par hasard dans ce contexte si les chroniques gargantuines du XVIème siècle nous montrent Grantgosier et Galemelle, les parents de Gargantua, forgés par Merlin à partir d'os de « baleines », lesquelles renvoient plus probablement à notre dieu qu'au cétacé ? N'y aurait-il pas là, comme chez G. de Monmouth, réminiscence d'une filiation divine relevant d'une culture antérieure ? C'est à tout le moins ce que suggère Henri Dontenville, d'autant plus que l'on retrouve par ailleurs cette même relation filiale et lexicale.
Belinus était aussi le frère de Brennius, qui soumit Rome et y devint empereur (et que l'on peut assimiler au Brennos qui partit à la conquête de Delphes). Et nous avons là un autre couple dont on retrouve les traces récurrentes : celui de « frères ennemis ». Henri Fromage y voit l'opposition (et complémentarité) entre les racines bel « qui exprime l'idée de lumière, de clarté et de splendeur » et ber, « le bouillonnant, le tumultueux ». Et il est tenté d'interpréter ces deux figures comme celles du dominant et du dominé dans la représentation du cavalier à l'anguipède : « le cavalier céleste s'appelait-il Belenos et l'anguipède Brennos ? » se demande-t-il.
Le mont Belin, près de Salins-les-Bains (Jura)
L'île de Tombelaine, au large du Mont-Saint-Michel
L'île de Tombelaine, au large du Mont-Saint-Michel